Existe-t-il d’autre monde dans l’univers ?

Existe t’il d’autres univers ?

Avec la découverte récente de la planète Kepler-186f, située en dehors du système solaire, nous savons désormais que la Terre possède des « sœurs » dans l’univers. Il y a donc quelque part « un autre monde ».

Mais cette expression peut se comprendre de diverses façons : autre Terre, autre univers, autre dimension…

Ces concepts qui semblent tout droit sortis d’un roman de science-fiction font, pour certains d’entre eux, l’objet de spéculations depuis l’Antiquité grecque. Ce qui ne les empêche pas d’être au cœur d’un débat très actuel où se joue la nature même de la science.

Qu’est-ce qu’un autre monde ?

Existe-t-il quelque part un autre monde ? Prise dans un sens spirituel ou religieux, cette question est bien sûr très ancienne, peut-être aussi ancienne que l’humanité et a donné lieu à des interprétations variées, que nous n’évoquerons pas ici.

Au sein de la science comprise en un sens large qui inclut la philosophie naturelle, l’idée d’une pluralité de cosmos est due aux philosophes atomistes de Grèce antique, selon lesquels l’univers est constitué d’atomes en perpétuel mouvement dans un vide infini. Les chocs aléatoires des atomes auraient formé non seulement notre cosmos, c’est-à-dire la Terre et tous les astres que nous pouvons apercevoir, mais une infinité d’autres.

Certains sont en train de naître, d’autres se désagrègent, certains sont peuplés, d’autres non. Ils peuvent contenir un ou plusieurs soleils, voire aucun, et leur forme est absolument quelconque.

L’histoire de la cosmologie :

cosmos l'autre mondeCette cosmologie saisissante est combattue avec la plus grande vigueur par Aristote. Ce dernier récuse l’existence du vide et des atomes, qu’il remplace par une matière continue constituée de quatre éléments (feu, air, terre, eau). En outre, chaque élément possède un lieu naturel vers lequel il est attiré. En utilisant ce principe, Aristote peut réfuter l’existence d’autres mondes : l’élément terre d’un tel monde serait attiré par le centre de notre Terre, cœur de l’univers.

La question de la pluralité des mondes est beaucoup débattue dans les universités médiévales, notamment à cause de sa répercussion théologique. Pour certains scolastiques, comme Albert le Grand, l’un des plus grands érudits du XIII siècle, les arguments d’Aristote ont force de démonstration logique, et ils en tirent la conclusion qu’il serait impossible que Dieu ait créé plusieurs mondes.

Pour d’autres, plus conserveurs, de telles allégations relèvent de l’hérésie, car elles portent atteinte à la toute-puissance divine. Le parti conservateur l’emporte en 1277 avec la condamnation par l’évêque de Paris, Étienne Tempier.

La sanction encourue pour professer de telles « erreurs » étant l’excommunication, la condamnation ne peut guère être prise à la légère et elle a pour effet de stimuler la critique des arguments d’Aristote en faveur de l’unicité du monde.

Le pas suivant est franchi, au XV siècle, par Nicolas de Cues, qui affirme très audacieusement que la Terre est une étoile, et que toutes les étoiles sont habitées. Ses idées, qui représentent le point culminant de l’évolution interne de la pensée scolastique, la redécouverte des théories atomistes et la théorie héliocentrique de Nicolas Copernic, publiée en 1543, se conjuguent pour engendrer le concept de monde en tant que planète tournant autour de son étoile dans un univers infini. Il avance l’idée :

« il est impossible qu’un être rationnel suffisamment vigilant puisse imaginer que ces mondes innombrables, aussi magnifiques qu’est le notre ou encore plus magnifiques, soient dépourvus d’habitants semblables et même supérieurs. »

Cette hérésie fait partie de la longue liste de celles qui le conduisent sur le bucher le 17 février 1960.

Big Bang, la cosmologie contemporaine d’Albert Einstein :

Albert Einstein
Albert Einstein

La cosmologie contemporaine est issue de la théorie de la relativité générale, dont Albert Einstein publie les équations en 1916. En utilisant certains modèles simplifiés, on peut appliquer ces équations à l’univers dans son ensemble. On découvre alors que celui-ci ne peut-être dans un état statique : il a une histoire qui débute dans un état très dense et très chaud, le fameux Big Bang, suivi d’une phase d’expansion dans laquelle nous nous trouvons.

Le modèle du Big Bang connaît de nombreux succès, notamment l’observation de l’expansion de l’univers dès 1929 par Edwin Hubble et la découverte du fond diffus cosmologique en 1964 par Arno Penzias et Robert Wilson.


Il possède néanmoins certains défauts. On constate notamment que des objets aujourd’hui extrêmement éloignés semblent avoir été en contact dans le passé, tandis que si l’on passe le film de l’expansion de l’univers à rebours, ces objets ne se rapprochent pas suffisamment pour avoir eu la possibilité d’interagir.

« Il n’existe que deux choses infinies. L’univers et la bêtise humaine… Mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. » Albert Einstein.

L’expansion du Big Bang, l’inflation :

Pour résoudre ce paradoxe, le cosmologiste américain Alan Guth propose en 1980 l’hypothèse que l’univers a connu presque immédiatement après le Big Bang une phase d’expansion ultrarapide nommée inflation. Si l’on remonte le temps, cette phase inflation se voit comme une brusque contraction de l’espace-temps qui rapproche considérablement les objets les uns des autres. Le modèle inflationniste est aujourd’hui privilégié par les cosmologistes, car certaines de ses conséquences ont été observées.

Pour expliquer l’apparition de cette phase d’inflation, certains physiciens imaginent qu’elle est due à l’énergie du vide, qui, selon la théorie quantique, ne peut-être absolument nulle et doit être soumise à certaines fluctuations. Dans ce scénario appelé « inflation éternelle », l’univers est beaucoup plus vaste que celui que nous connaissons, peut-être infini.

Au sein de ce super-univers, l’énergie du vide augmente brutalement par endroits, ce qui crée aussitôt une phase d’inflation localisée. La zone concernée enfle subitement et devient une sorte d’univers en elle-même, un univers-bulle, si l’on veut, dont les éventuels habitants ne peuvent pas soupçonner qu’il existe un monde extérieur. L’univers que nous connaissons serait l’une de ces bulles.

Disons tout de suite que l’inflation éternelle ne fait pas l’unanimité. Mais les alternatives qui ont été proposées ne sont pas moins surprenantes !

La thèse ekpyrotique :

L’une d’elles, le scénario ekpyrotique, stipule que notre univers, avec ses trois dimensions spatiales, forme une autre membrane percute de la nôtre périodiquement. L’énergie considérable qui est dégagée lors du choc est convertie partiellement an matière ce qui nous apparaît comme un « Big Bang ».

Dans le scénario ekpyrotique, nous sommes coincés dans notre membrane, tandis que dans l’inflation éternelle, nous ne pouvons pas sortir de notre bulle. Mais dans les deux cas, les différentes parties du super-univers peuvent être situées spatialement les unes par rapport aux autres : les bulles sont pour ainsi dire côte à côte, alors que les membranes sont parallèles. D’une certaine manière il ne s’agit que de répliques du séisme copernicien qui nous a montrés que notre mon n’est qu’une banale poussière dans le vaste univers.

L’interprétation d’Everett :

Le « multivers » (ou multiunivers) du physicien Hugh Everett est radicalement différent, et doit son origine non pas à l’astronomie, mais à la physique quantique.

Cette théorie fait appel de façon fondamentale au hasard. En physique classique, le hasard est toujours le signe de notre ignorance : si nous disons que nous avons une chance sur deux de gagner à un jeu de pile ou face, c’est parce que nous ne connaissons pas assez précisément les paramètres de la trajectoire de la pièce de monnaie. Si c’était le cas, nous pourrions prédire sur quelle face elle va tomber.

En physique quantique, l’imprévisibilité de certains résultats d’expérience ne prend pas de tels paramètres cachés. Qui plus est, les résultats ne sont déterminés qu’au moment de l’observation, pas avant.

Ces principes sont résumés dans le fameux paradoxe du chat de Schödinger.

Le chat de Schrödinger :

Dans l’expérience de pensée du chat, on imagine que l’on enferme un chat dans une boite où se trouvent une substance radioactive et un détecteur de particules relié à une capsule de poison mortel. Lorsque la substance émet une particule, le détecteur la reçoit et répand le poison, qui tue le pauvre animal. Selon l’interprétation standard de la mécanique quantique, le chat est dans un état superposé mort/vivant, jusqu’à ce qu’un observateur ouvre la boite. À partir de cet instant, il tombe aléatoirement dans l’état mort ou dans l’état vivant.

 paradoxe du chat de Schödinger
Paradoxe du chat de Schödinger

Dans l’interprétation d’Everett, l’interaction entre l’état du chat et celui de l’observateur a pour effet de créer deux branches parallèles de multivers, chacune contenant un observateur constatant l’état vivant ou mort du chat.

En 1957, Everett propose de résoudre ce paradoxe d’une façon surprenante. Selon son interprétation, le chat est à la fois mort et vivant, mais dans deux univers différents, ou plutôt dans deux branches différentes du multivers.

Chacune de ces deux branches contient un observateur qui ouvre la boite. L’un deux verra un chat mort, l’autre un chat vivant. Ce point de vue a l’avantage d’éviter un changement brutal de l’état du chat. De plus, rien dans le multivers ne se produit plus de façon aléatoire. Ces qualités rendent cette interprétation populaire chez certains physiciens, mais elle reste très controversée.

« La pensée scientifique est intrinsèquement une pensée du doute et de la déconstruction. »

Article inspiré par la revue L’éléphant.

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