Pourquoi et comment l’homme s’est-il mis à parler ?
Une nouvelle version des faits présentée par le linguiste Philippe BARBAUD
Philippe Barbaud, écrivain canadien et spécialiste du langage a mené sept ans d’enquête minutieuse pour donner sa version des faits sur la création et l’évolution du langage humain. Il nous la livre dans son nouvel ouvrage, un essai de 360 pages, intitulé : « L’instinct du Sens » – « Essai sur la préhistoire de la parole» paru aux Editions « Des auteurs, des livres » en mai 2021.
Pour répondre à la question « Quelle est l’origine de la parole ? » Philippe Barbaud a étudié les points de vue, lu les publications et interrogé sans relâche les paléo-anthropologues, archéologues, historiens, généticiens, neurologues, linguistes, psychologues, philosophes…, afin de se forger sa propre compréhension du sujet (la bibliographie du livre comportant 336 titres est impressionnante).
Fort de ce travail d’analyse, Philippe Barbaud s’est construit son opinion et défend donc sa thèse avec conviction dans cet ouvrage où il explique avec des mots simples mais souvent scientifiques et pointus, pourquoi l’espèce Homo a pu se détacher du langage animal et comment la parole articulée est apparue chez l’Homme moderne. Malgré ce côté scientifique, Philippe Barbaud s’efforce d’être accessible à tous et, pour expliquer plus clairement sa théorie (et garder tous ses lecteurs…), il introduit de nombreux exemples et anecdotes.
C’est un voyage à travers le temps qui débute il y a 2,5 millions d’années lorsque l’espèce Homo utilisait le langage animal lié à l’instinct. L’évolution du langage est d’abord liée à des transformations physiques car, très progressivement, certaines espèces de grands singes vont s’habituer à la station debout. Le système bucco-pharyngal va alors se transformer et se développer afin de permettre l’émission de sons autres que les cris du règne animal (« la rengaine ») ; il va devenir un organe phonal. Pourquoi ces singes et pas tous les singes debout ? Selon Philippe Barbaud, il existe une part de hasard et de nécessité qui a permis à certains d’évoluer et pas à d’autres.
Toujours est-il que la station debout va permettre aux membres de l’espèce Homo d’émettre des sons nouveaux, des « phones orphelins » ou phonèmes, une amorce du langage qui va autoriser les premiers transferts de compétences au-delà du temps d’une vie. L’échange des sons, le renforcement des connexions neuronales et la transmission du savoir de génération en génération vont commencer à assurer le développement du groupe au-delà de sa survie globale.
Mais selon Philippe Barbaud, les explications scientifiques telles que le développement physique et la meilleure irrigation du cerveau ne sont pas suffisants pour créer et développer le langage. Sa théorie est, je cite : « nous parlons parce que l’être humain, depuis l’enfance de son espèce, a toujours voulu communiquer du sens ».
Selon l’auteur, la communication du sens, dont dépend le développement du langage, a débuté avec les interjections (mots exprimant la joie ou la douleur, exemple « aie ») qui vont avoir un rôle d’imitation de l’Autre et vont donc permettre de prendre conscience de l’Autre en même temps que de Soi. Philippe Barbaud est persuadé qu’en permettant l’émergence de la conscience de Soi et en orientant le Soi vers l’Autre, les interjections et les nouveaux phones ont permis l’inclusion du sens dans le cerveau. C’est le début de la communication « on veut se faire comprendre par l’autre », « on veut donner du sens aux phones pour se faire comprendre ». L’homme a donné du sens aux choses et aux phones et le sens appelant plus de sens, de nouveaux sons sont apparus puis des mots simples et plus complexes ; c’est la version des faits, nouvelle et ingénieuse, de Philippe Barbaud sur la création du langage humain.
Ainsi résumé à l’extrême, cet essai écrit chronologiquement nous décrit ce long processus qui mène le langage animal instinctif des présapiens au langage articulé « sensé » de l’Homme moderne : « L’instinct et le Sens ».
L’ouvrage est divisé en trois chapitres. Dans le premier chapitre, le lecteur découvre pourquoi le langage articulé a remplacé le langage animal, dans le second chapitre il comprend comment les événements se sont déroulés (développement de l’aspect mental/psychologique de l’évolution et la prise de conscience de Soi et de l’Autre). Dans le troisième chapitre, Philippe Barbaud va plus loin que l’origine du langage articulé/humain et s’attarde sur l’évolution de la parole en expliquant pourquoi les langues modernes sont aujourd’hui si nombreuses alors qu’elles fonctionnent toutes sur un même système.
C’est une « enquête » exaltante tant historique et psychologique que scientifique. Philippe Barbaud nous fait voyager de la préhistoire à nos jours, décrivant l’évolution de notre espèce à travers le langage en s’appuyant sur les études scientifiques de ses collègues et ses convictions profondes.
Une version des faits innovante pour comprendre que le psychisme de l’homme préhistorique a été négligé dans l’explication de l’évolution du langage humain.
Philippe Barbaud, le passionné, passionnant, apporte au lecteur, grâce à ce 5ème ouvrage « L’instinct du Sens – Essai sur la préhistoire de la parole » un nouvel éclairage sur l’origine et le développement de la parole, la création du langage et aussi l’origine de… la communication. Fascinant !
Anne GALLOU